Après avoir longtemps partagé bien des choix du Vichy des premiers temps, le monde de la haute administration comme celui des chefs d’industrie connaissent au fil de l’Occupation une évolution qui conduit un nombre non négligeable de leurs membres à accepter le risque d’un engagement résistant. C’est ainsi que la résistance pénètre, plus ou moins rapidement,les milieux industriels et leurs administrations de tutelle : renseignement, contre-espionnage, sabotage des fournitures à l’occupant, camouflage de produits stratégiques, dissimulation de jeunes soumis au S.T.O. Actions discrètes, non coordonnées, où la frontière entre résistance passive et active, entre respect du métier, intérêt à court terme de la population et Résistance demeure ténue.

On décèle rarement un réseau organisé mené par des X ; ce sont plutôt des actions individuelles qui peuvent être relevées, notamment lorsqu’elles conduisent à l’arrestation voire la déportation de personnalités industrielles, parmi lesquelles :
> Max BAREL (X1933), ingénieur aux Ateliers de Delle, capitaine F.T.P. mort des suites des tortures infligées par Barbie le 11 juillet 1944 ;
> Henri STROH (X1905), directeur des usines du Creusot, disparu à Buchenwald ;
> Jules MENY (X1909) et Pierre ANGOT (X1921), ingénieurs des Mines dans l’industrie du pétrole, tous deux morts pour la France en déportation ;
> Joseph CAMARET (X1908) de la Société Delmas-Vieljeux, déporté et fusillé au Struthof ;
> Pierre CHEVRY (X1914) un des responsables de la firme KUHLMANN ;
> Aimé LEPERCQ (X1909), ingénieur des Mines d’abord président du Comité d’Organisation des Combustibles Minéraux (créé par Vichy), entre en résistance à la tête de l’O.C.M. (Organisation Civile et Militaire), puis des F.F.I. de Paris.
Avec les ingénieurs de l’industrie, les fonctionnaires aussi contribuent à la Résistance et apportent leur lot de victimes : Jacques BOULLOCHE (X1907), père d’André (X1934), est directeur des routes ; il meurt en déportation, comme André GREGOIRE (X1925), de la direction des carburants, et Louis-André DUPONT (X1912), ingénieur en chef des ponts de l’Ariège.

Maurice PORTAFAIX (X1918), ingénieur des Ponts en service dans le Rhône, est, après un appui continu à la Résistance, arrêté le 13 juillet 1944, et figure parmi les résistants massacrés le 20 août sur le terrain de Bron.
La protestation (ci-contre) du 26 janvier 1944 de l’association des ingénieurs des Ponts et Chaussées, s’indignant des mesures de délation des cantonniers que leur ministre Jean BICHELONNE (X1923) voulait imposer, est un exemple de refus collectif émis, dans cette dernière phase du régime, par des corps constitué.
Parmi les fonctionnaires militaires on relève deux ingénieurs des poudres : Louis VACELET (X1936), en service à Saint-Chamas, déporté, et Charles GARAUD (X1924), directeur à Bergerac, mort en déportation.
Il convient de détailler ici les actions de Résistance accomplies dans deux grandes organisations où le pouvoir est traditionnellement exercé par des polytechniciens : les PTT (en ce qui concerne les télécommunications) et la SNCF. C’est d’abord par leur liaison avec des mouvements et des réseaux qui leur sont extérieurs que SNCF et PTT s’associent à la Résistance. Dans une deuxième phase, des organisations résistantes à l’intérieur de la SNCF et des PTT, mais rattachées à la France Libre, se structurent sous la conduite d’ingénieurs, presque tous polytechniciens, avec un objectif important : la préparation d’actions d’aide aux Alliés dans l’éventualité de leur débarquement en France. Ce sont les plans de sabotage mis au point avec le B.C.R.A., et dont l’efficacité dès le 6 juin 1944 sera reconnue de tous : “Plan vert” concernant les liaisons ferroviaires, et “Plan violet” pour les liaisons téléphoniques.