L’évolution de la Résistance intérieure, qui va de la distribution de tracts, puis d’une presse clandestine, aux combats du Vercors et aux barricades parisiennes, concerne des “mouvements” et des “réseaux” : les premiers, immergés dans la population, visent d’abord à des actions de propagande, et évoluent vers la lutte armée ; les seconds, dotés d’une organisation et d’objectifs militaires, sont marqués par un cloisonnement plus systématique. Le rapprochement de toutes ces forces, sous l’autorité du général de Gaulle, a été lent et s’est concrétisé, sur le plan civil, par la création du Comité National de la Résistance et, sur le plan militaire, par le ralliement à de Gaulle des éléments giraudistes.

Le Capitaine André DEWAVRIN (X1932) se range dès juillet 1940 aux côtés du général de GAULLE, qui lui confie ses 2ème et 3ème Bureaux. Devenu le Colonel PASSY, il monte et dirige les services de renseignement en France, où il se rend avec BROSSOLETTE durant six semaines de février à avril 1943. Les réseaux de renseignement ainsi que ceux d’action et d’évasion sont, sous sa direction, rattachés au B.C.R.A. (Bureau Central de Renseignement et d’Action), d’abord implanté à Londres, puis aussi à Alger.
Après le débarquement en Normandie, PASSY est parachuté en Bretagne, et le B.C.R.A. d’Alger est alors dirigée par l’ingénieur du Génie Maritime André PELABON (X1926).
Dans les allées et venues secrètes entre la France occupée et la France libre, qui se concluent avec la mise en place en France de délégués du C.F.L.N. (Comité Français de Libération Nationale), l’on peut remarquer un certain nombre de polytechniciens :
> on sait que le premier officier français fusillé est Honoré d’ESTIENNE D’ORVES (X1921), exécuté le 29 août 1941. Chargé par Dewavrin, en 1940, du service renseignements, il est dénoncé par l’opérateur radio qui l’accompagnait dans sa mission.
> arrive également au B.C.R.A. à Londres Louis VALLON (X1921), qui est chargé de la section “non militaire”.
Parmi les résistants chargés d’une responsabilité de délégué par le comité d’Alger (C.F.L.N.), on trouve :
> le délégué militaire en zone nord : André RONDENAY (X1933), qui, après avoir mis en place le plan “Tortue” de coupure des voies de communications le jour J, est assassiné par la Gestapo le 15 août 1944.
> le délégué militaire en zone sud : Maurice BOURGES-MAUNOURY (X1935).
> Anatole WILLK (X1931), deux fois parachuté, est délégué militaire en zone ouest.
> Jean BERTIN (X1919S) est adjoint au délégué militaire à Nancy.
> André BOULLOCHE (X1934) est délégué militaire à Paris lorsqu’il est arrêté puis déporté. Il avait agi comme intermédiaire entre Louis ARMAND (X1924) et Churchill.
> Jacques MAILLET (X1931), après avoir été un des délégués du C.F.L.N. en France, succède à Jacques Bingen comme adjoint en zone sud au délégué général.

Dans les réseaux eux-mêmes, dont les membres sont recrutés sur place, s’engagent de nombreux polytechniciens, des officiers dont les compétences sont adaptées au travail de renseignement ou d’action, des fonctionnaires qui, en conservant leur poste, servent d’informateurs ou d’aides précieux . A titre d’exemple, la Ville de Bordeaux honore un de ses fils, Robert LATEULADE (X1937), qui, engagé en 1942 dans un réseau des Forces Françaises Combattantes (“Praxitèle”), est arrêté en 1944 et meurt en déportation à Mathausen. Autre exemple : deux des cinq chefs de secteur de l’un des réseaux de renseignement les plus importants, le réseau “Gallia”, sont des X : le Colonel Roger DREYFUS (X1912) et le colonel Pierre-Charles PESLIN (X1927). Le réseau “Alliance”, rattaché aux services secrets britanniques, comprend de nombreux X, dont le général RAYNAL (X1888), mort à la prison d’Elbach le 5 janvier 1945 ; Jean BOUYAT (X1937), fournisseur d’informations sur les mouvements des navires ennemis en Méditerranée, arrêté le 17 mars 1944 et fusillé à Heilbronn le 23 août ; Joseph CAMARET (X1908), mort au Struthof.
L’importance des liaisons entre les réseaux fonctionnant en France et leurs correspondants à Londres et Alger est évidemment considérable, tant pour la rapidité des fournitures de renseignements que pour l’orientation, la sécurité, la cohésion de ces réseaux : liaisons physiques (voyages dans un sens ou dans l’autre), liaisons radio. La croissance du trafic de ces dernières traduit l’efficacité des réseaux.
À cet égard, en 1942, Jean FLEURY (alias Panier)(X1921) crée à Lyon le réseau Electre : il permet de séparer l’émission, seule détectable donc dangereuse, de la réception, et de permuter fréquemment les fréquences et les indicatifs des opérateurs. En avril-mai 1943, PASSY convainc le Special Operations Executive (services secrets britanniques) d’appliquer la méthode Electre aux transmissions des services action. La réforme prend effet en juillet 1943. Elle impose également une décentralisation des réseaux d’atterrissages-parachutages et de transmission. A l’automne, FLEURY part pour Londres afin de doter le renseignement d’une organisation de transmissions semblable à celle de l’action.