De juillet 1940 à la Libération il devient toujours plus difficile de rejoindre les armées alliées, surtout après l’occupation de la zone sud par les Allemands en novembre 1942. La frontière suisse étant de fait hermétique, restent les voies aériennes ou maritimes, et surtout le passage par l’Espagne.

Quelques bateaux de pêche traversent la Manche : on connaît le ralliement de tous les pêcheurs de l’île de Sein à la France Libre. Michel FOURQUET (X1933) fait de même. Certains s’évadent comme passagers clandestins de cargos, tel Jacques WEIL (X1930), pour rejoindre Gibraltar en partant de Casablanca.
En fait, plus de 90 % des évadés de France, de fin 1940 au débarquement de Normandie, ont traversé la frontière espagnole : environ 8 500 avant la mi-novembre 1942 ; 20 000 en 1943 (l’année du S.T.O.) ; et quelques milliers en 1944. Au total, 35 000 évadés sur 100 000 tentatives. Evadés de toutes origines, frontaliers, prisonniers en fuite, résistants recherchés, aviateurs alliés,… Les conditions de passage sont des plus variées, en fonction de la saison et de l’importance de la surveillance. La “traversée” peut durer plusieurs jours, n’intéresser que des individus ou des groupes importants à l’initiative de réseaux de la Résistance s’appuyant sur des passeurs bénévoles ou non. Bien qu’alors le ravitaillement de l’Espagne ait en partie dépendu des Anglo-Saxons, et que Franco ait tenu de plus en plus compte de la probable victoire alliée, le nombre des refoulements est loin d’être négligeable : 1 900 évadés sont remis à Vichy, qui les condamne ; 2 000 sont capturés ou livrés aux Allemands, qui les déportent (la 19ème armée allemande a dû être déployée pour couvrir les 400 km de frontière).
Les évadés capturés “mobilisables” - de 20 à 40 ans - sont détenus entre un an et dix-huit mois en prison et/ou au camp de Miranda del Ebro, puis acheminés, dans un premier temps sur le Portugal, ensuite sur Casablanca.
Environ 23 000 hommes s’engagent dans les Forces Françaises Libres puis Combattantes :
> 10 000 dans la 1ère Armée
> 6 500 dans la 2ème Division Blindée
> 6 500 dans l’aviation, la marine, les commandos, les parachutistes…
Sur ce nombre, environ 6 000 sont morts dans les combats d’Afrique, d’Italie, de France et d’Allemagne.

Les archives ne permettent pas de recenser tous les X évadés de France. On peut seulement en estimer le nombre à plus de 150, et citer à titre d’exemple, pour leur participation à la Résistance, la singularité de leur destin, leur jeunesse et, pour certains, le sacrifice de leur vie :
> cinq Compagnons de la Libération : Jean BERTIN (X1919S), revenu en Lorraine après avoir été arrêté en Andorre ; Jacques MAILLET (X1931) ; André RONDENAY (X1933), fusillé en 1944 ; André BOULLOCHE (X1934) et Maurice BOURGES-MAUNOURY (X1935).
> Philippe TROCME (X1931), seul officier résistant ayant appartenu à l’encadrement de l’École en 1942.
> Jules MOCH (X1913), député, secrétaire général du gouvernement pendant le Front Populaire, futur ministre de la IVème République.
> l’Ingénieur Général Louis KAHN (X1914) (FNFL).
> les futurs aviateurs FAFL Jean BELLIN (X1938) et Roger DENIS (X1938), qui seront abattus par la suite dans leur avion.
> les futurs officiers de chars de la 2° DB, Claude CHEYSSON (X1940) et François VAULTRIN (X1940), qui sera tué fin 1944 dans les Vosges.
> environ 25 élèves, présents à l’École ou détachés dans les Chantiers de Jeunesse : cinq de la promotion 40, onze de la 41, trois de la 42, trois de la 43.
> enfin, l’évasion via l’Espagne conduit à la mort trois élèves : Jacques ZALKIND (X1939), mort pendant son passage des Pyrénées en janvier 1941; Henri COURDIL et Jacques PORTE (tous deux X1941), arrêtés lors de leur passage, morts en déportation.