Raoul Dautry 1880-1951 (X1900)

Homme d’autorité, humaniste, Dautry a fait preuve avant la guerre, à la tête des chemins de fer de l’Etat, de ses qualités d’organisation et d’innovation, qu’il a pu mettre en œuvre dans la courte période où, pendant la “drôle de guerre”, il est chargé du ministère de l’Armement.
Il exprime le 13 juin, par une lettre adressée au Président du Conseil Paul Reynaud, son opposition à l’armistice, appuyée sur une vision prophétique qui préfigure l’appel du 18 juin.

“Dans la situation actuelle du pays, l’heure est venue d’une décision définitive. […]
Ou bien demander la paix pour ne pas accroître les misères et les ruines. […] Ou bien résister dans l’espérance et la volonté de vaincre demain, après-demain, un jour, en acceptant tout ce que cela comportera de sacrifice total, d’âpres souffrances pour nous, pour ceux que nous aimons, pour tous les Français. […] Allumer chez tous les Français la flamme patriotique, leur faire comprendre qu’aucun effort n’est trop pénible, aucun travail trop opiniâtre, aucune tâche trop lourde, pour libérer le territoire de la République, retrouver les valeurs qui honorent la vie et recouvrer la liberté, le pays dût-il être envahi non pas seulement dans quelques départements comme pendant la dernière guerre, mais dans son intégralité. […] Faire la guerre de libération et verser sans regret dans le creuset d’où doit sortir la victoire ses idées, ses désirs, ses intérêts, son sang, ou courber tout de suite la tête sous le joug. […]

Il faut sauver l’armée, c’est-à-dire se battre à fond en se repliant vers les ports d’Atlantique et en évacuant pendant cette lutte le vaste camp retranché que constitue la France. […] Dans deux ou trois ans, nous pourrons avoir produit un matériel d’avions, d’armes, de munitions, de moyens de transport supérieur à celui que l’Allemagne, harcelée continuellement par l’aviation, pourra produire.

Et, en 1943 ou en 1944, ou en 1945, nous serons en puissance d’écraser l’Allemagne et de refaire, sur les ruines et les misères de la patrie, si nous en avons sauvé l’âme, une France nouvelle”.

Les années qui suivent lui donnent raison, mais il reste retranché dans son domaine de Lourmarin (Vaucluse), malgré le désir du général de Gaulle de l’avoir à ses côtés, et il ne participe pas directement à une Résistance qu’en tant que ministre de la IIIe République il a eu le courage et la lucidité de prôner.

Après la guerre il consacre ses talents visionnaires à l’idée européenne, comme au tunnel sous la Manche, et son action à l’animation du Commissariat à l’Energie Atomique naissant.

Alfred Margaine (X1895)

Parmi les quatre-vingts parlementaires qui ont dit “non” le 10 juillet 1940 lorsque le Congrès a voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, on peut citer Jules MOCH (X13), député socialiste de l’Hérault, ainsi qu’Alfred MARGAINE (X1895), député radical de la Marne, seul de son parti à avoir voté “non”.

Son fils Jean MARGAINE (promotion 1925), a été de 1939 à 1941 au service des fabrications de l’Aéronautique du ministère de l’Air. Entré en 1942 au service du contrôle général de la Société Peugeot (service des achats et commandes allemandes), il est arrêté en mars 1944 avec 6 autres directeurs, pour non exécution des ordres, interné 5 mois à la prison de Dijon, puis déporté à Schönberg (commando de Dachau). Il disparaît dans un convoi d’évacuation.